Avec les progrès de la médecine, il est désormais possible de maintenir en vie des personnes atteintes de graves pathologies ou victimes de graves accidents. Cette situation conduit à se poser des questions éthiques particulièrement importantes. L’une d’entre elle est la question de la dignité des personnes en fin de vie.
Ces questions éthiques ont été relayées dans le cadre des médias au gré des difficultés rencontrées par certains patients.
L’histoire de Vincent Humbert qui demandait le droit de mourir a eu un retentissement tout particulier dans les médias et a a contribué de façon majeure à l’adoption de la loi Léonetti du 22 avril 2005 relative aux droits des malades en fin de vie.
- L’affaire Vincent Humbert
- Dans les années 2000, l’histoire de Vincent Humbert a eu un retentissement particulièrement important dans les médias. Suite à un très grave accident de la circulation, le patient était dans un état de conscience minimale. Il était maintenu en vie par différents appareils et notamment par une sonde placée directement dans son estomac.
- Il parvenait toutefois à communiquer par la pression de son pouce droit. Il avait exprimé son souhait de mettre fin à ses jours. Il avait même rédigé en ce sens une lettre à l’attention de Président de la République Jacques Chirac.
- Sa mère l’a finalement aidé à mettre à mettre fin à ses jours. Elle a été poursuivie pour « administration de substances toxiques » mais a finalement bénéficié d’un non-lieu (TGI Boulogne-sur-Mer, 27 févr. 2006).
La loi Léonetti du 22 avril 2005:
Cette loi poursuivait deux objectifs :
– Le renforcement de la prise en compte de la volonté du patient
-La lutte contre l’acharnement thérapeutique (dans le texte on parle d’obstination déraisonnable)
Elle présentait une avancée majeure concernant les malades en fin de vie, à savoir qu’on leur reconnaissait le droit de décider d’arrêter tout traitement. Une procédure était également prévue pour permettre l’arrêt des traitements dans l’hypothèse où le patient était inconscient.
Le bilan de la loi Léonetti de 2005:
En 2008, un bilan était effectué par une mission parlementaire concernant l’application de la Loi Léonetti de 2005 (AN, Rapp. d’information n°1267) . Ce bilan faisait état d’une mauvaise connaissance de cette loi par les professionnels de santé et de de la multiplication du contentieux sur la question de l’arrêt des traitements.
Parmi ce contentieux on trouve les différents recours intentés par la famille de Vincent Lambert, lesquels ont été tout particulièrement médiatisés.
C’est dans ces circonstances qu’il a été confié aux députés Jean Léonetti et Alain Claeys le soin de préparer un nouveau texte de loi et que la loi Léonetti – Claeys du 2 février 2016 a été adoptée. En savoir plus.
La loi Léonetti du 2 Février 2016
Cette loi renforce les droits des patients en fin de vie consacrés par la Loi Léonetti de 2005.
Le traitement de la souffrance est au cœur de la réforme et la volonté du patient est d’avantage prise en compte.
•Le renforcement de la prise en compte de la volonté du patient
La nouvelle loi Léonetti consacre le principe d’autonomie du patient qui implique qu’il est à même de donner son consentement libre et éclairé aux soins.
Le refus de soins du patient doit être respecté par le médecin qui est conditionné à deux obligations (Art L1111-4 du code de la santé publique) :
– informer le patient des conséquences de son refus (risques et gravité de son choix)
– convaincre le patient de se soigner avant de s’incliner dès lors que le refus du patient est certain et persistant
Désormais le médecin doit respecter la volonté exprimée certaine et réitérée par le patient, après l’avoir simplement informé des conséquences et de la gravité de son choix.
Les règles relatives aux directives anticipées ont également été réformées (Art L1111-11 du code de la santé publique). Le champ des directives anticipées est élargi et elles sont désormais valables sans limitation de durée. Le législateur a prévu un modèle de rédaction de ces directives fixé par décret en conseil d’état .
Mais surtout, avant la réforme de 2016, le médecin n’avait qu’un devoir de consultation des directives sans qu’elles n’aient de véritable effet contraignant. La loi du 2 février 2016, prévoit qu’elles s’imposent dorénavant au médecin pour toute décision d’investigation, d’intervention et de traitement.
Il y a cependant deux exceptions à l’opposabilité de ces directives :
-Le médecin peut se détacher des directives en cas d’urgence vitale, afin d’avoir un temps suffisant pour évaluer la situation médicale
-Le médecin peut se détacher des directives anticipées lorsqu’elles apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale.
Le cas échéant la décision du médecin de refuser d’appliquer les directives anticipées est prise à l’issue d’une procédure collégiale et inscrite au dossier médical. La personne de confiance ou à défaut la famille ou les proches en son informés.
•Le droit des patients de recevoir les traitements et soins les plus appropriés
Sous l’égide de la première loi Léonetti, le patient avait déjà le droit, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des circonstances médicales avérées.
Dans le cadre de la seconde loi Léonetti, il est également consacré un droit du patient d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance (Article L.1110-5 du code de la Santé publique).
Mais en réalité ce sont des droits qui étaient déjà reconnus par les Tribunaux, avant même la réforme de 2016 et mis en œuvre par les praticiens (TA ORLEANS, 28 sept. 2006, Weyland c/ CHR Orléans; CAA BORDEAUX, 13 juin 2006, Marie Danièle X c/ CH Gabriel Martin).
•Le droit du patient de ne pas faire l’objet d’une obstination déraisonnable
Ce droit avait été créé par la loi Léonetti de 2005 mais il est précisé par la Loi Léonetti Claeys de 2016 (Articles L..1110-5 et L.1110-5-1 du Code de la Santé Publique).
Sont ainsi prohibés les soins ou traitements inutiles, disproportionnés ou ayant pour seul effet le maintien artificiel de la vie. Dans le cas où les actes apparaissent comme tel, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris.
La première Loi Leonetti précisait que ces actes ne devaient pas être poursuivis lorsqu’ils résultaient d’une obstination déraisonnable. Désormais le code de la santé publique prévoit que ces actes ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis, lorsqu’ils résultent d’obstination déraisonnable.
Le médecin a une obligation déontologique de s’abstenir de toute obstination déraisonnable (Art R4127-37 du code de la santé publique). Il peut donc renoncer à entreprendre ou poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n’ont d’autre effet que le maintien artificiel de la vie.
Précision importante apportée par la loi Leonetti de 2016 qui reprend à son compte l’analyse du Conseil d’Etat dans l’affaire Lambert, la nutrition et l’hydratation artificielle constituent des traitements qui peuvent être arrêtés. En savoir plus.
Lorsque la personne est consciente, c’est à cette dernière qu’il appartient de décider de l’arrêt ou non des traitements.
- Lorsque la personne n’est pas consciente, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser dans le cadre de l’affaire Lambert, que le médecin doit se fonder sur un ensemble d’éléments dont le poids respectif ne peut pas être prédéterminé et dépend des circonstances particulières et de la situation singulière propres à chaque patient (CE, 24 juin 2014, n°375081, n°375090, n°375091) :
- -Les données médicales qui doivent concerner une période suffisamment longue, être analysées collégialement et porter notamment sur l’état de santé actuel du patient, sur l’évolution de son état depuis la survenance de l’accident ou de la maladie, sur la souffrance et sur le pronostic clinique
- -La volonté que le patient peut avoir exprimée (dans le cadre de directives anticipées ou sous une autre forme) Si la volonté du patient demeure inconnue, elle ne peut pas être présumée refuser l’arrêt d’un traitement.
- -La prise en compte de l’avis de la personne de confiance que le patient peut avoir désignée, ou à défaut des membres de sa famille ou de ses proches (en s’efforçant de dégager un consensus).
- On dispose d’ores et déjà de deux exemples d’application de la loi Léonetti Claeys de 2016 et de la jurisprudence du Conseil d’Etat.
- L’analyse de ces décisions permet de constater que chaque décision est effectivement unique et dépend des circonstances singulières propres à chaque patient.
- En effet, dans l’une des affaires le Tribunal Administratif a validé la décision des médecins d’arrêter les traitements (TA LYON, 9 novembre 2016, n° 16/01855) , dans l’autre il l’a invalidée (TA MARSEILLE 8 févr. 2017, n°1608830) .
- Enfin, le Conseil Constitutionnel a récemment validé la constitutionnalité des dispositions relatives à l’arrêt des traitements dans l’hypothèse où le patient est hors d’état de manifester sa volonté
•Le droit à une sédation profonde et continue jusqu’au décès
C’est un nouveau droit consacré par la loi Léonetti du 2 février 2016 (Article L.1110-5-2 du Code de la Santé Publique). Il est prévu la possibilité de mettre en place une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie.
Cette sédation peut intervenir dans deux hypothèses :
-Patient atteint d’une affection grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui présence une souffrance réfractaire aux traitements
-Patient atteint d’une affection grave et incurable qui demande l’arrêt d’un traitement qui engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entrainer une souffrance insupportable
Cette sédation profonde peut intervenir à la demande du patient s’il est conscient ou à l’initiative du médecin, de la personne de confiance, d’un membre de la famille ou d’un proche si le patient est inconscient. Dans tous les cas la décision est prise à l’issue d’une procédure collégiale de l’équipe soignante.
La sédation profonde et continue peut être mise en œuvre à l’hôpital mais aussi au sein d’un établissement de santé ou encore au domicile du patient.
Le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments, assurer par des mesures appropriées la sauvegarde de la dignité du malade et réconforter son entourage (Art R4127-38 du code de la santé publique).
•La procédure collégiale
La loi de 2016 multiplie les hypothèses de recours à la procédure collégiale :
-Arrêt et limitation des traitements lorsque le patient n’est pas en état de manifester sa volonté (Article R.4127-37-2 du Code de la Santé Publique)
-Sédation profonde et continue (Article R.4127-37-3 du Code de la Santé Publique)
-Lorsqu’il s’agit d’aller à l’encontre des directives anticipées du patient (Article R.4127-37-1 du Code de la Santé Publique)
Il est important de respecter cette procédure collégiale, car à défaut, la décision prise risque d’être remise en question par les juges comme ce fut le cas dans l’affaire Vincent Lambert. En savoir plus.
- Il faut préalablement informer la personne confiance ou à défaut la famille ou l’un des proches de la décision de recourir à la procédure collégiale.
- Le médecin doit recueillir l’avis des membres présents de l’équipe de soins et d’au moins un médecin appelé en qualité de consultant avec lequel il n’existe aucun lien de nature hiérarchique. L’avis motivé d’un deuxième consultant est recueilli par ces médecins si l’un d’eux l’estime utile.
- Lorsque le patient est mineur ou majeur protégé, le médecin recueille en outre l’avis des titulaires de l’autorité parentale ou du tuteur (hormis lorsque l’urgence rend impossible cette consultation).
- Il faut vérifier les directives anticipées du patient, à défaut interroger la personne de confiance, à défaut la famille, à défaut l’un des proches.
- La décision doit être motivée et il convient d’inscrire au dossier médical la volonté du patient figurant dans les directives anticipées ou à défaut des témoignages recueillis.
- Il faut informer la personne de confiance, ou à défaut la famille ou à défaut les proches de la décision.
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