Maître SEBILEAU
Avocat à Nantes

Délais de recours du constructeur non réalisateur

02 Juil 2023 Charlotte SEBILEAU Avocat Droit de la construction

Les délais de recours applicables en matière de droit de la construction présentent une grande complexité. En outre, les règles en matière reposant en grande partie sur la jurisprudence de la Cour de Cassation, font actuellement l’objet d’évolutions importantes. Malgré ces évolutions, les règles fixées ne sont pas toujours d’une grande cohérence.

Le recours du constructeur non réalisateur en est une bonne illustration. En effet, selon qu’il aura la qualité de promoteur immobilier ou de vendeur en l’état futur d’achèvement, le fondement et le délai applicable à son recours diffèrent.

Le délai de recours du promoteur immobilier

L’article 1831-1 du code civil dispose que  « Le contrat de promotion immobilière est un mandat d'intérêt commun par lequel une personne dite " promoteur immobilier " s'oblige envers le maître d'un ouvrage à faire procéder, pour un prix convenu, au moyen de contrats de louage d'ouvrage, à la réalisation d'un programme de construction d'un ou de plusieurs édifices ainsi qu'à procéder elle-même ou à faire procéder, moyennant une rémunération convenue, à tout ou partie des opérations juridiques, administratives et financières concourant au même objet. Ce promoteur est garant de l'exécution des obligations mises à la charge des personnes avec lesquelles il a traité au nom du maître de l'ouvrage. Il est notamment tenu des obligations résultant des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du présent code. »

Il en résulte que le promoteur n’a pas la qualité de maître d’ouvrage et ne peut pas agir à l’encontre des autres constructeurs sur le fondement de l’article 1792 du code civil.

Il convient en conséquence de faire application de la jurisprudence selon laquelle le délai de prescription applicable au recours en contribution contre les constructeurs réalisateurs relève du droit commun de l’article 2224 du code civil, le délai décennal de l’article 1792-4-3 du code civil relatif au délai de recours en cas d’actions en responsabilité contre les constructeurs pour les désordres n’étant pas de nature décennale ne s’appliquant qu’aux actions initiées par le maitre d’ouvrage (Civ. 3e, 16 janv. 2020, no 18-25.915)

 Si dans l’arrêt précité, la Cour de Cassation avait retenu comme point de départ du délai de prescription de l’action récursoire, la date de l’assignation en référé, cette position a évolué. Elle juge désormais que le point de départ de l’action récursoire doit être fixée à la date à laquelle l’auteur du recours a lui-même été assigné en paiement (C.Cass. 3ème civ, 14 déc. 2022, n° 21-21.305).

Dans son arrêt du 14 décembre 2022, la 3ème chambre civile affirme expressément opérer un revirement de jurisprudence : « La multiplication de ces recours préventifs, qui nuit à une bonne administration de la justice, conduit la Cour à modifier sa jurisprudence »

En conclusion, le promoteur dispose d’un délai de 5 ans à compter de la date à laquelle il est assigné en paiement pour exercer son action récursoire à l’égard des autres constructeurs.

Le délai de recours du vendeur en l’état futur d’achèvement

L’article 1601-3 du code civil dispose que : « La vente en l'état futur d'achèvement est le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l'acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l'acquéreur au fur et à mesure de leur exécution ; l'acquéreur est tenu d'en payer le prix à mesure de l'avancement des travaux.

Le vendeur conserve les pouvoirs de maître de l'ouvrage jusqu'à la réception des travaux. — V. art. R. 261-7. »

Il est de jurisprudence constante que si l'action en garantie décennale se transmet en principe avec la propriété de l'immeuble aux acquéreurs, le maître de l'ouvrage ne perd pas la faculté de l'exercer quand elle présente pour lui un intérêt direct et certain. Tel est le cas lorsqu'il a été condamné à réparer les vices de cet immeuble (C.Cass. 3e Civ., 20 avril 1982, n° 81-10.026; C.Cass. 3e Civ., 9 février 2010, n° 08-18.970).

Néanmoins, dès lors qu’il était évoqué une simple faculté d’exercer l’action en garantie décennale, il avait pu être admis que le vendeur exerce un recours récursoire contre les constructeurs réalisateurs sur le fondement de la responsabilité contractuelle afin de bénéficier du délai de prescription applicable en la matière.

Par un arrêt en date du 12 novembre 2020, la 3ème chambre civile a affirmé que le recours du vendeur à l’égard des autres constructeurs ne pouvait être fondé que sur l’article 1792 du code civil et qu’en conséquence, il convenait de faire application du délai de forclusion décennale (C.Cass. 3ème civ., 12 novembre 2020, 19-22.376).

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation rappelle qu’ainsi qu’elle l’avait déjà jugé, le délai de la garantie décennale étant un délai d'épreuve, toute action, même récursoire, fondée sur cette garantie ne peut être exercée plus de dix ans après la réception (C.Cass. 3e Civ., 15 février 1989, n° 87-14.713).

Néanmoins, cette position pourrait évoluer compte tenu des évolutions récentes de la jurisprudence de la Cour de Cassation en matière de recours récursoire. En effet,  la Cour de Cassation avait relevé dans son arrêt du 16 janvier 2020 que : « fixer la date de réception comme point de départ du délai de prescription de l'action d'un constructeur contre un autre constructeur pourrait avoir pour effet de priver le premier, lorsqu'il est assigné par le maître de l'ouvrage en fin de délai d'épreuve, du droit d'accès à un juge ». (Civ. 3e, 16 janv. 2020, no 18-25.915) Or le vendeur en l’état futur d’achèvement assigné par le maitre d’ouvrage en fin de délai d’épreuve, risquerait lui aussi de se voir priver de son recours.

En conclusion, le vendeur en l’état futur d’achèvement dispose d’un délai de 10 ans à compter de la réception de l’ouvrage afin d’exercer son action récursoire à l’encontre des autres constructeurs.


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