Maître SEBILEAU
Avocat à Nantes

Nouvelle loi sur les impayés en 2023


Mise à jour le 16/06/2023

En matière d'expulsion locative, il faut trouver un équilibre entre d'une part le droit de propriété des bailleurs et d'autre part le droit au logement du locataire. En raison d'une pénurie de logement cet équilibre est actuellement très difficile à trouver.

Du côté des bailleurs: le dispositif actuel est très protecteur des locataires, si bien que les délais sont longs pour obtenir une expulsion, y compris en cas d'impayé. En conséquence, de nombreux bailleurs vont eux-mêmes se trouver en difficulté financière et finalement être contraints de vendre leur bien immobilier.

Du côté des locataires en difficulté: l'équation est insoluble. Une bonne gestion financière impliquera généralement pour le locataire qui perdu son emploi ou s'est séparé de prendre un logement moins onéreux. Mais dans le secteur privé, avec ses ressources et sa situation d'impayé, très souvent le locataire ne parviendra pas à trouver un nouveau logement. Et dans le secteur public, il faut compter en moyenne deux ans pour obtenir un logement social.

Une succession de réformes

Face à cette difficile recherche d'un équilibre entre la protection des intérêts du bailleur et du locataire, la procédure d'expulsion a fait l'objet de multiples réformes:

  • Loi n°2014-366 du 24 mars 2014
  • Ordonnance n°2014-1543 du 19 décembre 2014
  • Loi n°2015-990 du 6 août 2015
  • Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016
  • Loi n°2017-86 du 27 janvier 2017
  • Loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018
  • Ordonnance n°2019-770 du 17 juillet 2019

Les modifications sont généralement faites dans le sens d'une plus forte protection des locataires.

Les objectifs visés par la loi

Le projet de loi s'intitule: "proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite". L'intention est très claire: l'objectif est de réduire la protection accordée aux occupants sans droit ni titre.En cela, il se distingue clairement des précédentes lois adoptées en matière locative.

Le projet de loi comprend trois volets:

  • Un premier volet consacré au squat (lorsque les occupants sont entrés dans le logement de manière illicite)
  • Un deuxième volet consacré à l'accélération des procédure d'expulsion des locataires (en particulier en cas de loyer impayé)
  • Un troisième volet consacré au renforcement de l'accompagnement des locataires défaillants

Les principales modifications

1. La réduction des délais de procédure

Auparavant, l'expulsion d'un locataire était longue en raison des délais incompressibles fixés par les textes.

L'article 10 de la loi réduit le délai minimum entre le commandement de payer et l'assignation en le fixant à 6 semaines (contre deux mois actuellement). La procédure demeurera néanmoins longue.

Procédure d'expulsion actuelle
proposition de réforme de la procédure d'expulsion

2. La réduction des délais accordés aux locataires pour quitter les lieux

Les locataires peuvent demander des délais pour quitter les lieux lorsque leur relogement ne peut pas avoir lieu dans des conditions normales (article L.412-3 du code des procédures civiles d'exécution). Ces délais peuvent être accordés par le juge des contentieux de la protection dans le cadre du jugement d'expulsion ou plus tard par le Juge de l'exécution.

Auparavant, les délais accordés pouvaient aller de 3 mois jusqu'à 3 ans (article L.41-4 du code des procédures civiles d'exécution).

L'article 10 de la loi fixe désormais les délais pouvant être accordés aux locataires entre 1 mois et 1 an. Il s'agit des délais qui étaient prévus avant la modification apportée par la loi ALUR du 24 mars 2014.

3. Les délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire

Auparavant, l'article 24 V de la loi du 6 juillet 1989 disposait que : Le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.

L'article 24 VII de la loi du 6 juillet 1989 ajoutait que : " Pendant le cours des délais accordés par le juge dans les conditions prévues aux V et VI du présent article, les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l'exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges. Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet."

Ainsi, durant les délais de paiement accordés par le Juge, et sous réserve du respect de l'échéancier fixé, les effets de la clause de résolutoire étaient automatiquement suspendus.

L'article 9 de la loi, prévoit de laisser la faculté au juge d'ordonner ou non la suspension (comme c'était le cas avant la Loi Aubry du 29 juillet 1998) à la condition que la demande soit formulée par le bailleur ou le locataire.

Par ailleurs, les délais de paiement ne pourront être accordés qu'à deux conditions cumulatives: que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu'il ait repris le versement intégral du loyer courant avant l'audience.

Enfin, la suspension prendra fin dès le premier impayé ou si le locataire ne respecte pas l'échéancier fixé par le Juge.

4. La création d'une infraction de "maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation, en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire"

Actuellement, le locataire qui se maintient dans les lieux à l'issue du jugement d'expulsion et après l'expiration du délai de deux mois suivant le commandement de quitter les lieux n'encourt aucune sanction pénale.

L'article 1er de la loi propose crée une infraction de "maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation, en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire". Cette infraction sera inscrite à l'article 315-2 du code pénal:

  • "Le maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois est puni de 7 500 euros d’amende.
  •  Le présent article n’est pas applicable lorsque l’occupant bénéficie des dispositions de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, lorsque le juge de l’exécution est saisi sur le fondement de l’article L. 412-3 du même code, jusqu’à la décision rejetant la demande ou jusqu’à l’expiration des délais accordés par le juge à l’occupant, ou lorsque le logement appartient à un bailleur social ou à une personne morale de droit public."

L'adoption de la loi

La loi a été adoptée le 14 juin 2023. Elle doit encore être promulguée par le Président de la République pour entrer en vigueur.


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Charlotte SEBILEAU Avocat

10 rue Charles Brunellière
44100 Nantes

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