Maître SEBILEAU
Avocat à Nantes

Vente immobilière - la responsabilité du vendeur


Il n'est pas rare qu'après avoir pris possession de son bien, l'acquéreur découvre des "défauts" dont il n'avait pas connaissance lorsqu'il s'est engagé dans la vente. Ces défauts peuvent avoir été volontairement cachés par le vendeur ou encore avoir été ignorés de ce dernier.

L'acquéreur disposera de différents recours à l'égard de son vendeur. Il s'agira principalement d'actions en garantie. C'est à dire que le vendeur sera tenu même sans faute de sa part. Ces recours ne pourront néanmoins être envisagés que pour les défauts les plus graves.

La garantie des vices cachés

La garantie des vices cachés est la garantie la plus connue du grand public. Elle a vocation a s'appliquer à tout type de défaut dès lors que ce dernier a une conséquence sur l'usage du bien. Exemples: humidité, inconstructibilité, présence de bruits excessifs, pollution d'un terrain, défaut de raccordement à l'eau...

Néanmoins, cette garantie sera assez complexe à mobilier. Sa mise en oeuvre supposera en effet de réunir différentes conditions et d'agir dans un délai réduit.

Les conditions de mise en oeuvre de la garantie des vices cachés

La garantie des vices cachés est prévue par les article 1641 et suivant du code civil. Elle couvre les défauts étaient cachés lors de la vente (1ère condition), lorsqu'ils sont d'une gravité importante (2ème condition).

L'acte de vente immobilière prévoit quasi-systématiquement que le vendeur n'est pas tenu à la garantie des vices cachés. Pour autant, contrairement à ce que l'on peut penser de prime abord, cela n'exclura pas totalement l'application de la garantie des vices cachés. Cela la rendra en revanche plus complexe car il faudra démontrer que le vendeur avait connaissance du défaut (3ème condition).

1ère condition: le défaut doit être caché lors de la vente

Le défaut devra être antérieur à la vente mais avoir été caché lors de cette dernière.

Le caractère caché du défaut s'apprécie selon les connaissances de l'acquéreur (article 1642 du code civil). Ainsi le défaut qui était visible pour un professionnel de la construction par exemple, sera considéré comme caché si l'acquéreur était profane en la matière.

On attend de l'acquéreur un examen attentif du bien visité mais non qu'il soulève la moquette, bouge les meubles (Civ.3e,21juill.1998, n°96-21.503) ou qu'il se rende sur la toiture via des combles difficilement accessibles (Cass.,ass.plén.,27oct.2006,n°05-18.977)

Un défaut ne sera considéré comme apparent que s'il a été perçu comme tel par l'acquéreur dans sa cause, ses manifestations et ses conséquences dommageables (Civ.3e,14 mars 2012,n°11-10.861).

2ème condition: le défaut doit être grave

En application de l'article 1641 du code civil, le défaut doit:

  • rendre impropre le bien à l'usage auquel on le destine

ou

  • diminuer tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou en aurait donné un moindre prix s'il l'avait connu

La question de la gravité du vice est soumise à la libre appréciation des Juges du fond. Mais généralement les défauts facilement réparables et à moindre coût seront considérés comme de gravité insuffisante pour relever de la garantie des vices cachés.

3ème condition: le vendeur doit avoir eu connaissance du défaut

L'article 1643 du code civil prévoit qu'il est possible de prévoir une clause dans le contrat de vente selon laquelle le vendeur ne sera pas tenu à garantie pour les vices dont il n'avait pas connaissance. Mais à contrario, la garantie des vices cachés pourra s'appliquer, même en présence d'une clause de non garantie, si le vendeur avait connaissance du vice.

Néanmoins, il appartiendra alors à l'acquéreur de prouver que le vendeur avait connaissance du vice.

Exception: le vendeur sera présumé avoir eu connaissance du défaut de la chose vendue et la clause de non garantie sera ainsi écartée dans deux cas:

ou

Les demandes pouvant être formulées par l'acquéreur dans la garantie des vices cachés

En application de l'article 1644 du code civil, l'acquéreur aura le choix entre :

  • Demander la résolution de la vente (restitution de la chose par l'acquéreur et du prix par le vendeur)
  • Demander une réduction du prix de vente

C'est à l'acquéreur de choisir la demande qu'il souhaite formuler et il n'a pas à se justifier quant à son choix.

Dans l'hypothèse où le vendeur avait connaissance du vice, l'acquéreur pourra également demander des dommages et intérêts (article 1645 du code civil). Cette demande pourra se cumuler avec l'une des deux autres demandes évoquées si dessus ou être exercée de manière autonome (C.Cass. Com. 19 juin 2012, n°11-13.176).

Par exemple: l'acquéreur pourra demander la résolution de la vente et l'allocation de dommages et intérêts au titre des frais qu'il a inutilement exposés au titre de la vente. Ou encore, l'acquéreur pourra demander des dommages et intérêts correspondant au coût de réparation du bien. L'intérêt de formuler une telle demande est que le montant des dommages et intérêts peut parfaitement excéder le prix de vente (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 janvier 2020, 19-10.176, Publié au bulletin).

Le délai pour agir en garantie des vices cachés

L'action en garantie des vices cachés devra en principe être exercée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice (article 1648 du code civil) et au maximum dans le délai de 20 ans à compter de la vente (article 2232 du code civil).

Il sera néanmoins possible de reporter le point de départ de ce délai de délai de deux ans dans certains cas. En savoir plus.


Le défaut de délivrance conforme

En application de l'article 1604 du code civil, la principale obligation du vendeur consiste à remettre à l'acquéreur le bien vendu. Le bien remis doit être conforme aux caractéristiques prévues dans le contrat, à défaut le vendeur engagera sa responsabilité.

Les conditions de mise en oeuvre de l'action en responsabilité pour défaut de délivrance conforme

La mise en oeuvre de l'action en responsabilité pour défaut de délivrance conforme suppose une non-conformité du bien avec les stipulation du contrat cachée lors de la livraison et sans incidence sur l'usage normal du bien.

En pratique, en matière immobilière, les non-conformité contractuelles non apparentes, seront le plus souvent celles en lien avec l'usage du bien. Aussi, ce fondement juridique est peu invoqué en matière immobilière.

Une différence avec les caractéristiques convenues

Le défaut de délivrance conforme s'apprécie par rapport aux caractéristiques du bien qui étaient prévues dans le contrat.

Une non-conformité cachée

Seuls les défauts de conformité non-apparents peuvent donner lieu à un recours de l'acquéreur (C.Cass. 3ème civ. 22 janv. 1997, n°94-20.127).

Une non-conformité sans incidence sur l'usage normal du bien

Dès lors que la non conformité aura une incidence sur l'usage normal du bien, le défaut relèvera de la garantie des vices cachés et l'action en responsabilité pour défaut de délivrance conforme ne pourra pas être exercée (C.Cass. 1ère civ. 8 déc. 1993, n°91-19.627)

Les demandes pouvant être formulées dans le cadre de l'action en responsabilité pour défaut de délivrance conforme

L'acquéreur pourra demander au choix (article 1217 du code civil).:

  • l'exécution forcée de l'obligation (mais très rare dans l'hypothèse d'une vente immobilière)
  • la réduction du prix de vente
  • la résolution du contrat
  • l'allocation de dommages et intérêts (cette demande pouvant se cumuler avec l'une des autres demandes)

Le délai pour agir en cas de défaut de délivrance conforme

Le délai pour agir est de cinq ans à compter du jour où l'acquéreur a découvert la non conformité (Article 2224 du code civil), dans la limite de 20 ans à compter de la vente (article 2232 du code civil).


La garantie décennale

Le vendeur qui a construit ou fait construire un bien immobilier est réputé constructeur (article 1792 du code civil). Cela signifie qu'il sera tenu à la garantie décennale au même titre que les autres constructeurs.

Les conditions de mise en oeuvre de la garantie décennale

1ère condition: la construction d'un ouvrage

La garantie décennale peut être mise en oeuvre lorsque les défaut sont en lien avec la réalisation d'un ouvrage. Il peut s'agir de la construction initiale du bien immobilier ou de travaux ultérieurs: travaux d'extension, travaux lourds de rénovation...(C.Cass. 3ème civ. 9 déc.1992, n°91-12.097)

2ème condition: un vice caché

La garantie décennale n'a vocation à s'appliquer qu'aux désordres cachés lors de la réception de l'ouvrage (3e civ., 20 oct. 1993, n° 91-11.059 ; Cour de Cassation, ch. Civile 3, 7 février 2012, n°11-11.449).

3ème condition: un vice grave

Le vice doit porter atteinte à la solidité ou à la destination de l'ouvrage (article 1792 du code civil). Les atteintes à la destination de l'ouvrage peuvent être diverses: infiltrations, dysfonctionnement du chauffage, risque d'incendie ... Mais à l'inverse un défaut purement esthétique ne sera pas suffisamment grave pour relever de la garantie décennale.

Les demandes pouvant être formulées par l'acquéreur dans le cadre de la garantie décennale

Dans le cadre de la garantie décennale, il sera possible de demander des dommages et intérêts correspondant au coût des travaux de réparation de l'immeuble. Il pourra également être demandé la réparation de préjudices annexes: perte locative par exemple.

Le délai pour agir en garantie décennale

Le délai pour agir est de 10 ans à compter de la réception des travaux (article 1792-4-1 du code civil). La réception peut être expresse (établissement d'un procès verbal de réception) ou tacite (règlement du solde du marché associé à la prise de possession de l'immeuble).

Dans l'hypothèse où le vendeur aura réalisé lui même les travaux (vendeur dit "castor"), il n'y aura pas de réception. Dans cette hypothèse, les Juges font courir le délai de 10 ans à compter de la date d'achèvement des travaux (C.Cass. 3 ème civ. 5 janv 2017, n°15-12.605).


L'action fondée sur le dol

Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges (article 1137 du code civil) : dissimulation d'un projet immobilier de nature à priver d'ensoleillement le bien vendu, dissimulation d'un arrêté d'interdiction d'habiter, dissimulation d'inondations antérieures...

Les conditions du dol

Les manoeuvres ou mensonges du vendeur

Dans le cadre du dol, il faut démontrer que le vendeur avait connaissance du défaut et l'a caché à l'acquéreur par des manoeuvres ou mensonges. Il peut s'agir d'un mensonge par omission, c'est à dore qu'il peut être reproché au vendeur de ne pas avoir révélé à l'acquéreur une information. On évoquera alors une réticence dolosive (article 1137 du code civil).

Le caractère déterminant du dol

Le dol va constituer un vice du consentement lorsqu'il est tel que, sans lui, l'acquéreur n'aurait pas acquis le bien ou l'aurait acquis à des conditions substantiellement différentes, c'est-à-dire le plus souvent, à moindre prix (article 1130 du code civil).

Les demandes pouvant être formulées par l'acquéreur en cas de dol

L'acquéreur pourra demander au choix l'annulation du contrat (article 1131 du code civil) et/ou l'allocation de dommages et intérêts (C.Cass. Com. 15 janv. 2002, n°99-18.774).

Le délai pour agir sur le fondement du dol

Le délai pour agir en matière de dol est de cinq ans à compter du jour où le contractant victime du dol a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de celui-ci (Article 2224 du code civil), dans la limite de 20 ans à compter de la vente (article 2232 du code civil).


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Charlotte SEBILEAU Avocat

10 rue Charles Brunellière
44100 Nantes

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